Tu m'intéresses, la pub, tu m'aides à dépenser
Embellissant ma vie, me dictant mes pensées…
Le programme va reprendre, interrompant tes spots,
Et mes neurones digèrent tes conseils de despote.
Vaquant à leurs affaires, au moment opportun,
Ils sauront faire sortir de leur crâneur fortin,
Suggestions, souvenirs, espoirs et belles promesses…
Il y a du plaisir à se laisser bercer,
Oublieux des dangers à trop souscrire aux messes,
Nés du désir obscur de tous nous transpercer,
Sympathiques papillons, esclaves de l'aiguillon…
Ta gueule, tu fermeras et le silence est d'or.
Enfin, je n'entends plus ton bruit et je m'endors.
Le rêve est agréable, quand ton écran est noir,
Enfouissant tes délires au fond de l'entonnoir.
Vomissures commerciales, aux commissures d'écran,
Il n'est pas né l'esprit, face au pouvoir sucrant,
Supportant sans faiblir l'exposition tenace.
Il peut bien frétiller, il est pris dans la nasse :
On ne résiste plus au plaisir immédiat,
Noyé dans l'océan du bonheur des médias,
Serpentants appareils aux pouvoirs sans pareils…
Tu oublieras le temps qui passe devant l'écran,
Elevant le volume de quelque nouveau cran,
Levant tes yeux hagards vers nos pubs déchaînées,
Espérant toujours mieux des programmes effrénés.
Voici le monde réel, et tu dois croire en lui !
Il y va de ton âme ; ton dieu, l'écran qui luit,
Sait ce qu'il faut penser, car il est des plus sages.
Il suffit d'écouter, de croire en son message,
Ouvrant tous tes neurones à sa lumière sacrée,
Naufragé volontaire, à l'esprit massacré,
Saoulé de faux semblants, dans le beau monde des blancs…
Telle est la rouge vision que nous avons des choses !
Enervant papillon dont les métamorphoses
Liquéfient la raison qui bien vite se nécrose,
Environnée de guêpes, dont la danse indispose…
Vivement, de grands gestes, si toutefois l'on ose,
Iront tenter de faire que la télé implose,
Sans compter l'écran plat, qui plus jamais n'explose,
Interdisant l'espoir d'anéantir sa glose.
Où est la liberté sans un vrai bouton "pause",
Ni sans la volonté de s'affranchir des causes
Soufflant nos rêves profonds, jusque dans la psychose ?
Tourbillonnant vomi qui coule au robinet,
Etourdissants discours qui saoulent un tantinet,
Lamentables séries versées au bassinet,
Eternelles variétés, à mettre au cabinet,
Véreuses publicités montées sur coussinets,
Idiots journaux sportifs, qui fleurent l'estaminet,
Sempiternels portraits, dignes du martinet,
Illusoires météos, qui ruinent les jardinets,
Odieux journaux d'infos, où défilent les minets,
Nul ne m'empêchera de faire des moulinets,
Suffisants pour gâcher la vue des blondinets…
Tragique est la lucarne qui envahit nos jours
Et nos soirées, nos nuits, dans la salle de séjour.
Les yeux sont prisonniers, tous nos esprits sont liés
Et nos membres sont lourds comme du mobilier.
Vertigineux attrait qui nous vole nos vies,
Impossible à briser, tant le sort est puissant.
Statufiés par milliards, d'Auckland à Varsovie,
Invisibles fantômes, face aux écrans bruissant,
On obéit aux lois de la publicité,
Neurones au garde-à-vous, l'esprit phagocité
Sourire béant aux lèvres, béats de cécité…
Tais-toi devant l'écran, il est prioritaire.
En ouvrant ton clapet, tu nous empêches d'entendre
Les paroles magnifiques d'une sitcom planétaire
Et les liens familiaux pourraient bien se détendre…
Voici qu'on t'interroge : "As-tu bien regardé
Il était une fois l'œuf, sur la chaîne brocardée ?"
Si tu ne l'as pas vu, te voilà rejeté,
Ignoré et exclu du cercle des élus,
Où l'on peut se réjouir de ce qu'on n'a pas lu,
Navrants esprits gluants, aux rêves bien cachetés
Sentant fort le formol des cœurs étiquetés…
Tout n'est pas négatif dans le cadre à images,
Et il y a des endroits, on vit au Moyen Âge,
Les enfants y apprennent que tout n'est pas fermé,
Ecœurés de comprendre qu'on les a déformés.
Voir la réalité à travers les programmes…
Il sera gratiné, votre encéphalogramme !
Surtout, bien mélangez avec du religieux !
Il aura de quoi rire, votre cerveau spongieux…
On n'en a pas fini des conflits litigieux,
Ni des guerres, génocides, de peuples prestigieux !
Surtout, ne changeons rien, aux vies des galériens !
Tu montres le réel que tu veux qu'on regarde,
Et le reste, importun, bien au chaud, tu le gardes…
La loi de l'Audimat dicte tous tes programmes,
Enlevant à l'esprit jusqu'à son dernier gramme.
Verser dans les cerveaux les besoins du marché,
Irradier les neurones des effets recherchés,
Saturer l'intellect de plaisirs trop faciles,
Insuffler au malade des habitudes dociles,
Obliger ses deux yeux à rester sur l'écran,
Noués sur les pixels aux parfums écœurants,
Sans plus jamais pouvoir s'échapper en courant.
Tout bien considéré, il vaut mieux l'annuler,
Eteinte une fois pour toute, ne plus la rallumer.
La poussière va pouvoir enfin s'accumuler
Et nos esprits joyeux vont bien se remplumer !
Vers l'action créative, nous allons nous tourner,
Imprégnant la matière de nos activités,
Sortant de nos cortex des idées détournées
Interdites jusque là par la passivité.
Oui, chacun d'entre nous est porteur de messages,
Nourri des mille échos de nos apprentissages,
Si l'on arrive à taire le bavardage des sages…
Tant que tu n'auras pas passé à la télé,
Eh bien, pour parler franc, tu as beau excellé,
Le réel considère ton sort toujours scellé
Et tes contemporains, sans trop te flageller,
Verront dans tes actions des propos trop zélés.
Ils diront que tu peux toujours te révéler,
Si tu continues bien, sans jamais t'emmêler,
Incarnant l'espoir fou, voire le cerveau fêlé…
On ne t'a jamais vu, sous le ciel constellé.
Non, tu n'existes pas. À quoi bon quereller,
Silencieux troublion à l'encéphale grêlé ?