De vilains rêves me hantent aux noires heures de la nuit.
En silence, je souris en pensant à chasser
Soudainement les plaies qui suppurent au passé,
Tenté de les gratter, pour tromper mon ennui.
Racler le fond du puits où l'abomination,
Un démon sans attache aux pouvoirs étonnants,
Crève d'envie de briser la civilisation,
Tirant ses flammes puantes sur les saints bedonnants,
Irradiant de lumière les puits obscurs du temps,
Ouvrant de larges brèches dans les murs rebutants,
Nourri de nos dégoûts pour les rois des égoûts…
Dis-moi si je suis fou de vouloir tout jeter…
Et l'eau de la baignoire, et le gentil bambin,
Sans craindre la morsure du remord breveté ?
Tous les puants spectacles m'ennuient comme chérubins,
Rappelant à mon âme combien l'erreur humaine,
Universelle, lassante, que les dieux nous amènent,
Cogne dans mes artères, pour crier au mensonge.
Tout pourrit mollement au fond de nos prisons,
Illusions parasites de nos plus mauvais songes,
Oublis les plus feutrés de nos pires trahisons,
Nocturnes pollutions dans des bruits de succion…
Des années vont passer dans une vaine attente
Et les fous les plus las iront planter leur tente
Sans voir qu'ils ont perdu toute chance de l'emporter…
Tout le temps qui s'écoule va dans le mauvais sens
Retirant de nos mains la force de porter
Un poids toujours plus lourd avec chaque naissance.
C'est hier qu'il fallait oser dresser la tête,
Tandis qu'après-demain, tous nos cheveux blanchis
Iront confectionner un manteau d'épithètes
Ornementé de vers timides ou affranchis,
Nobles péroraisons en panne de livraison.
Dans l'eau, je vais cracher mon dégoût cumulé,
Etourdi de l'horreur qui n'a point reculé,
Saturé de douleur de voir tant maculer
Tous les projets humains qui auraient stimulé,
Régénéré le monde, ainsi reformulé…
Un soupçon de salive ainsi véhiculée,
Collée par les caillots de sang coagulé,
Tout est prêt pour la fin des temps bien reculés :
Interrompre vos jeux, ne plus gesticuler,
Ouvrir vos yeux saoulés de trop déambuler,
Nouer vos doigts crochus, lassés de spéculer…
Des temples en chocolat aux palais de papier,
En un mois on pourra rebâtir ces clapiers.
Si l'envie est plus forte, on jettera au feu
Tous les livres de droit dont les patrons suiffeux
Retiraient avantages et pouvoirs merveilleux.
Un vent de saine folie calmera l'appétit,
Comme l'avidité, partie en confettis !
Tordu est mon esprit, dans son abri crayeux !
Il divague au grand jour, dans les plis d'Internet,
Ondulant du clavier sur l'air des bombinettes,
Navré du clair silence moquant les cris qu'il lance…
Dommage que la violence soit un mal nécessaire,
Et c'est la faute à ceux qui s'accrochent au dessert :
Serpentins profiteurs gorgés de sucreries,
Tous vos ergots sont fiers d'adhérer aux assiettes,
Rotant les crus classés, hilares aux pitreries,
Un mépris ostensible débordant la serviette…
C'est qu'il nous faudra donc écraser ces cafards,
Tous ces beaux parasites, qui se gorgent sans fard,
Ignorant tout partage, tirant la couverture,
Odieusement présents derrière chaque ouverture,
Narquois vers bien luisants, rendant l'enfer cuisant !
Dans l'idéal qu'importe que l'enfer soit sur terre,
Et que certains profitent de leur naissance inique,
Serrant les ceinturons de manière planétaire,
Tuant par négligence ou nettoyage ethnique ?
Regardez donc nos vies qui ne dureront pas…
Un siècle va passer, et qu'importent nos pas ?
C'est à l'échelle humaine qu'on crie au gaspillage,
Tandis qu'une poignée se complaît au pillage.
Il est des traditions qui sont bien familiales…
Oh ! Les esclavagistes ont la piété filiale !
Nourris du sang humain, ils aiment le rouge carmin…
Des siècles d'oppression et de capitalisme,
Est-ce assez ou faut-il encore en entasser ?
Si l'on changeait de jeu, parce qu'on en a assez ?
Tâchons de nous tourner vers l'universalisme,
Rejetant les parties de vain Monopoly !
Un souffle de fraîcheur, des relations polies,
C'est une autre nature que la vie d'aujourd'hui…
Toute l'histoire humaine nous a ici conduits,
Il est temps d'inverser les valeurs éternelles.
Oublions d'entasser, en rats irrationnels !
Nous n'emporterons rien, sauf quelques acariens…
Depuis qu'il y a de l'or, on ignore le partage,
Et la misère humaine est due aux héritages.
Si l'on abandonnait son or à son décès,
Tous les pauvres en auraient, pour de nouveaux essais…
Regardez la logique de l'accumulation :
Un peu plus chaque jour nous rend plus estimable.
C'est fou, mais c'est ainsi : l'argent nous rend aimable !
Tout tourne autour du fric et quelle émulation !
Il y en a souvent trop et ailleurs il en manque,
Oui, mais "c'est moi qui compte", et le reste ? "À la banque !"
Navré de telles idées, mon cerveau va rider…
Donnez-moi les moyens de tout faire exploser
En millions de morceaux durs à reconstituer !
Sous les murs des palais, on voit des prostituées,
Tandis que courtisans continuent à gloser…
Retirons les parpaings des murs des banques centrales !
Un vent de liberté pourrait bien s'engouffrer
Caressant les mendiants en position ventrale…
Terminés, les menus, sur du papier gauffré !
Il vaut mieux tuer le luxe que priver des millions.
Oui nos vies valent autant, et notre rebellion
N'avait que trop tardé à être placardée !
Déboulonner les têtes qui ne pensent qu'à s'emplir…
Ejecter les esthètes sans rien à accomplir…
Soumettre les grognards, défenseurs de l'Empire…
Tirer sur les ficelles des pantins qui empirent…
Rejeter en arrière les vendeurs de futur…
Unifier les courants de pensée immatures…
Cracher sur les valeurs qui défendent les voleurs…
Tordre le cou des mythes enjôleurs… engeôleurs…
Interdire le pillage de notre humanité…
Ouvrir les yeux de force devant l'absurdité…
Noyer une fois pour toute les obstacles à nos routes…
Des mots, toujours des maux, et se cacher derrière…
Elections pièges à ceux que l'on laisse en arrière !
Saoulez-nous des infos de guerres et de tueries,
Tellement qu'on est heureux au fond de l'écurie !
Regardez tout le mal qu'on peut semer ailleurs !
Un havre de repos nous assurent nos bailleurs,
C'est pourquoi l'on se tait, l'on se terre et l'on vote…
Tapis dans nos maisons, avec tant de confort,
Il serait bien stupide de faire tomber nos forts,
Ouvrant au désespoir nos âmes bien dévotes !
Non, restons couchés, las, et le bulletin est là…
D'accord on vit bien mieux, et si l'on ferme l'œil,
Eh bien, on ne voit plus la misère qu'à moitié !
Si l'on ferme les deux, plus besoin de pitié,
Tous les morts de la terre, avec ou sans cercueil,
Retirés, d'un seul coup, de nos champs de vision !
Un conseil salutaire : quand la télévision
Chargée d'images atroces, entre deux tranches de pub,
Taraude nos neurones, comme un vilain succube,
Il suffit de tourner la tête vers la fenêtre,
Ouvrant nos yeux hagards sur le monde où nos maîtres
Nous disent quoi penser, manger et dépenser…
Du vent plein les oreilles, du soleil dans les yeux…
En vacances, on est bien, comme des demi-dieux,
Servis par l'indigène, bien content d'être là,
Tirant peu de profit, mais fier comme un prélat…
Redonnez-lui trois sous, il se tord et se plie,
Une reconnaissance éperdue l'illumine…
C'est bien plaisant à voir, et puis l'on nous supplie :
Tous les mendiants du monde grouillant comme une vermine
Interceptent nos pas pour demander notre aide,
Oui, mais c'est oppressant. Après cet intermède,
Nous rentrons à l'hôtel, prendre un ou deux cocktails…
Dire du mal fait du bien, mais qui va bien me lire ?
Et puis si vous lisez, qu'allez-vous donc en faire ?
Surtout, ne changez rien, à notre bon enfer !
Tudieu ! Je n'aurais plus alors qu'à me relire,
Regrettant le bon temps où tout était pourri…
Un rêve en chasse un autre. À chacun, je souris…
C'est ainsi que mon temps défile sous mes doigts
Traçant mes mots ineptes, obscurs pour des Suédois,
Insipides pour tous ceux qui pourraient les comprendre…
Oubliés de naissance, leur vie sera d'attendre,
Négligés pour du fric, comme tant d'enfants d'Afrique…