C’est triste qu’il vieillisse, mais l’esprit reste jeune.
On le dit immortel. Ça, c’est vraiment trop « fun »…
Remarquez, l’âge aidant, quand il va gâtouiller,
Personne ne dira plus que ses neurones souillés
Sont dignes d’un jeune crâne, mais plutôt d’un vieil âne…
C’est cette dichotomie entre l’âme et le corps,
Où le premier survit, montant en paradis…
Rien ne me fait plus rire quand j’y repense encore,
Pardi ! l’esprit gâteux, au ciel qui irradie,
Se sentira bien seul, sans son précieux linceul…
C’est la grosse. C’est le nain. C’est le géant, la maigre…
On ne manque pas de noms pour décrire l’apparence.
Rien ne va plus si l’on s’éloigne des références,
Prisonnier dans la chair, la vie tourne au vinaigre.
Si l’on n’est pas Bardot, chaque jour est un fardeau…
Couvrez-le de métaux précieux et de bijoux !
Ornez vos yeux de bleu, et puis de fard vos joues !
Revêtez des soieries, les plus nobles textures !
Portez donc sur le dos les plus luxueuses vêtures !
Sur vos os vieillissant, la mort rampe en crissant…
C’est une marchandise, une machine et une proie…
On l’exploite, on l’abuse et, bien sûr, on le broie…
Regardé, remarqué, repéré, on le veut,
Pour se l’approprier, comme un objet nerveux,
Sympathique faire-valoir, pour notre égo morveux !
C’est lui, dont on se moque, quand il est disgracié…
On oublie un peu vite l’humain qui, enfermé,
Regarde, par les trous des yeux, les biens normés
Pliés de rire, d’orgueil, devant leur supplicié.
Si ce n’est pas méchant, on peut en faire un chant.
C’est sur lui que l’on juge l’humain qui est dedans.
On dit qu’il est très gros, ou vieux, qu’il manque de dents…
Regardez ces cheveux, si rares sur le devant !
Peut-on dire, comme les autres, qu’il était mieux avant ?
Sacré décrépitude, qui plombe nos aptitudes…
Coincé à l’intérieur, on n’en sortira pas,
Ou plutôt, le beau jour, où notre container
Retournera aux vers, ces astucieux appâts,
Plus rien ne percevra le soleil qu’on vénère,
Si l’on est égyptien ou seulement mauricien…
C’est parce que je suis gros que l’on moque mon physique…
On ignore que, dedans, j’ai une âme d’Apollon !
Retenez vos sarcasmes, car votre sale musique
Pourrait péricliter et vos vilains violons
Siffleront leurs remords quand je serai bien mort !
Ces cuisses et ces seins sont nos meilleurs copains…
On les veut trop parfaites, mais vrai… on les adore !
Raffolant d’accessoires, mini-jupes ou tchadors,
Porte-jarretelle et string, corset ou escarpins,
Si elles n’étaient pas là, pour qui, les falbalas ?
Cellulite aux genoux et jusqu’en bas du dos,
Ou bien graisse sur le ventre, qui masque les abdos,
Regardez vos corps lourds, alors qu’en Centre-Afrique,
Plein de gens sont gracieux, moins bouffis par le fric !
Suffit de bouffer moins, de moins remplir nos groins…
C’est dès l’âge de sept ans qu’une fille doit faire régime,
Ou elle va développer des cellules adipeuses…
Retirez-lui ses jouets et qu’elle fasse de la gym !
Pour son corps de gamine, des poses un peu pulpeuses,
Sous-vêtements sexy, c’est vraiment trop exquis !
Ou…
Sous-vêtements sexy, c’est parti, mon kiki !
C’est pour qu’il soit parfait, qu’on va gâcher sa vie,
Oubliant l’essentiel pour creuser nos envies,
Rien que pour le plaisir d’être bien contemplé,
Pour la joie de savoir les jaloux décupler,
Sublime but pour combien de celles qui le valent bien…
C’est le regard de l’autre qui dicte nos conduites.
On le voit disgracieux, on se voudrait plus beau.
Regardons nos actions et les cervelles séduites
Pourraient former un monde moins joyeux aux corbeaux,
Simplement allégé de quelques bons dangers…
Comme la prison de chair est différente de l’âme !
On peut certes déduire de l’aspect une flamme…
Réduire l’individu à ce que nos yeux voient
Pourraient bien nous mener sur de mauvaises voies…
Si facile de tromper les esprits estompés…
Car nous ne sommes jamais que gros porte-monnaies,
On nous vend du poison, de faux médicaments,
Rien que pour s’engraisser des besoins qu’on connaît…
Pardi ! Pour de l’argent, on nous trompe, on nous ment,
Si bien que tout est faux dans ce monde en défaut !
Courir après l’argent, se crever la santé…
Ou vivre au jour le jour, vers les sens concentré…
Regardez-nous chercher un sens à nos entrées,
Perdus dans ce grand monde et à jamais hantés,
Souhaitant tout et puis rien, comme de pauvres vauriens…
Ce n’est jamais le mien. C’est moi, tout simplement.
On doit le respecter, ça suffit amplement.
Refuser de le prendre comme un jouet, un objet,
Passer du temps pour qu’il soit un meilleur sujet,
Sachant qu’il doit servir, sans jamais l’asservir…
Corps à corps éperdus, jetés à corps perdu,
On oublie un peu trop l’essentiel, qui, rétro,
Rejoint nos rêves d’enfants, au fond du coffre à jouets…
Puissions-nous retrouver, le temps d’un simple souhait,
Son sens à l’existence, à travers sa substance !
Comme il est donc affreux ! Docteur, faites quelque chose !
Oeuvrez du bistouri ! Que la métamorphose
Rejoigne l’idéal qu’on a mis dans ma tête !
Poncez, sucez, tirez, injectez, dans la bête !
Surtout, n’hésitez pas ! La beauté n’attend pas…
Ce corps doit être beau, parce qu’il est à moi.
Oubliant ses besoins, il me comble d’émois,
Repaissant mon esprit de plaisirs ordinaires,
Pourrissant du dedans, dit le “vétérinaire”,
Servile machine esclave, qu’il faut bien que l’on lave…
Cachez-moi donc ces rides, ces bourrelets, ces pattes d’oie !
Oubliez mes années, bien sûr, comme il se doit !
Regardez ce visage qui s’affaisse peu à peu…
Poncez et aspirez le tissu adipeux,
Sur ma peau ou sous elle… Mais donnez-moi des ailes !
Côtes saillantes, membres osseux et visage émacié,
On voudrait incarner la beauté absolue…
Regarder ce beau corps qui rêve d’être gracié,
Pour ne plus essuyer les brimades farfelues,
Savamment orchestrées pour un décès frustré…
Culotte de cheval par ci, et peau d’orange par là,
On ne sait plus très bien où donner de la tête…
Rêver qu’on peut avoir… garder un corps d’athlète,
Puis sauter un repas, chipoter dans les plats,
Simplement dans l’espoir de ne plus former poire…
Coloration, piercings, tatouages, opérations,
On n’arrête pas nos choix pour personnaliser,
Redoublant d’idées neuves ou bien d’aberrations,
Pour être toujours plus près de réaliser
Son rêve d’être idéal, dans un monde trop banal…
Comme ces muscles trop gros, voire même hypertrophiés,
Offrent aux esprits faibles un remède glorifié !
Reprenez la seringue, les haltères associées,
Pour bien diviniser l’animal moins grossier !
Sueur, efforts et douleur, pour survivre en couleur…
Comment ? Je suis trop moche ! Mais c’est inqualifiable !
On voit bien, dans les pubs, les canons de beauté.
Regardez, j’en suis loin, dans ce sac empoté !
Pourquoi suis-je affublé d’un support si peu fiable ?
Satan veut mon esprit… et dans quoi est-il pris ?!
C’est moche d’être trop gros, dit la publicité.
Oui, c’est vrai, on le sait, jusque dans les cités.
Raison de plus pour boire, juste pour oublier…
Pendant que l’on regrette son look “Bernard Blier”,
Sur nous, les années passent, et puis l’esprit trépasse…
C’est dur quand il est moche, dans un monde, où l’image
Oblige à juger l’âme sur l’apparence physique…
Regarder l’animal, juger sur le plumage,
Plutôt que d’apprécier la voix et sa musique…
Sur nos neurones dressés, l’humain est agressé.
Cachez-moi donc ce sein que l’on ne saurait voir !
Offrez donc au regard ces jambes bien épilées !
Rembourrez les bonnets pour mieux prendre au filet
Pauvres yeux égarés, venus faire leur devoir,
Sans compter les chaussures, aux talons qui assurent…
Chirurgie esthétique, voilà le maître-mot !
On dit qu’en Amérique latine, fortissimo,
Recourir aux implants est devenu réflexe…
Partout, l’évolution peut nous laisser perplexe,
Si l’on tait que «jolie» rime bien avec «folie» !
C’est le cerveau censé commander aux organes,
Oui, aux membres aussi, pourtant, sous la soutane,
Rien n’est bien adéquat, et les goûts sont les rois,
Paradant, impudiques, comme ayant tous les droits…
Seulement, quel bel homme, au cerveau factotum !
C’est si bon au goût et… les organes, on s’en fout !
On oublie l’animal, jusqu’à ce qu’il devienne fou.
Revient-il à l’esprit, on va le déguiser,
Parer, et opérer (!), qu’il ait l’air aiguisé…
S’il vient à nous lâcher, on ne sera pas fâché !
C’est l’esprit et c’est l’âme qui sont très importants.
Oui, les os, les organes, ce sont juste un portant !
Ridicules sont les gens qui consacrent au « transport »
Plein de temps inutile à disons… faire du sport !
Suffit de bien prier… le dieu approprié.
C’est un art de toujours négliger l’essentiel,
Offrant aux dieux hilares de l’humour plein le ciel.
Regardez-les chercher à fuir le moindre effort !
Pourtant, ils glorifient ce qui est grand et fort…
Saouls de contradiction, mais quelle belle addiction !
C’est l’unique possession de notre humanité.
On lui préfère chiffons, cailloux, et vanité…
Regardez-nous pleurer quand viennent les perfusions,
Perdus au bord du puits de nos chères illusions !
Slips Calvin Klein, fourrures, et châteaux à dorures…
Comme tu pues sous les bras, le bon déodorant
Offrira aux narines une compensation.
Rapproche-toi du modèle toujours en arborant
Parfums de marque chers, tenues à sensations,
Si bien que l’on dira que très loin tu iras…
C’est l’ascenseur aimable, qui sauve les quadriceps,
Ou le chariot à courses épargnant les trapèzes…
Rendons grâce aux tapis roulants qui nous apaisent,
Pendant que les voitures, où reposent nos triceps,
Se voient privilégiées, dans nos villes assiégées !
C’est pour l’économie que l’on va l’atrophier,
Obligés d’emprunter l’ascenseur certifié,
Repus du riche repas, censé nous vivifier,
Pour finir en voiture, sur un siège, pétrifiés…
Si l’âme n’existe pas, beau destin sacrifié !
C’est le trou qui aspire la bonne fumée des clopes
Ou le trou qui avale les chips, les escalopes,
Ravioles, bonbons, gâteaux, pour papilles excitées…
Pensez aussi aux trous de nos lubricités !
Sacré gruyère humain… à couvrir de cumin ?
C’est du goudron gazeux pour l’esclave atrophié…
Ouvre ta bouche, crétin ! J’ai envie de manger !
Retire ton pantalon ! Je me sens démangé…
Pourquoi es-tu si mou ? À toi, comment se fier ?
Si tu meurs, c’est bien fait ! Pour l’esprit, un bienfait…
C’est l’animal graisseux, où mon âme, prise au piège,
Organise ses journées, en attendant la mort.
Reprenant des loukoums, bien vautré sur mon siège,
Pourquoi ferai-je l’effort d’éprouver des remords
Si je néglige ce tas, répugnant en l’état ?
C’est l’esclave de nos sens, de nos lubricités
Ou de nos gourmandises, et la publicité
Rend plus folles nos idées sur sa réalité,
Pour finir en toussant, bouffi et alité,
Sur un lit d’hôpital, tuyaux en cavités…
Comme seul l’enfer importe, qu’il cesse donc de pleurer !
Ouvrant ton large bec, enfourne tant bien que mal,
Repu poussah puant, qui voudrait nous leurrer,
Parce qu’il est moins heureux que chez un animal…
Seule mon âme va compter, tais-toi et bois mon thé !
Crevons les yeux, pour voir, et enlevons les dents !
Ongles à arracher, puis cheveux et le nez,
Rien ne manque pour créer des tortures raffinées…
Prenez aussi la langue, le pénis ou dedans,
Sans effort, faites entrer des pieux, puis… éventrez !
Comme sa peau est blanche, ou noire, jaune, colorée,
On ne le verra pas du même œil impartial…
Remarquez, s’il est grand, avec un air martial,
Pensez donc, le mépris sera édulcoré…
Sales malédictions, nos vieilles convictions !
Cesium et nicotine, alcools, sucré, salé,
On lui fait absorber tout et même si ça pue,
Rien que pour le plaisir de goûter, d’avaler,
Pour la joie de s’emplir, de se sentir repu…
Souffre-douleur de l’âme, et en plus on te blâme !
Cor au pied, ou ampoule, entorse ou luxation,
On ne manque pas de signes pour les dysfonctionnements.
Rien n’est aussi bien fait au niveau des nations :
Pourquoi les maux d’autrui nous indiffèrent tellement ?
Si cette question futile pouvait nous être utile…
Comme mes doigts s’emportent pour conter ton histoire,
Ouvrant cinquante fronts, le long de l’écritoire,
Rayant du bout des ongles, les touches du clavier, —
Pauvres bouts de plastique, crissant comme du gravier —
Sans cesser d’insister sur le mal d’exister !
C’est bientôt l’heure d’aller préparer le dîner.
On y va vaillamment… C’est qu’il faut bien manger
Rien que pour satisfaire l’estomac où ranger
Paire de steacks et légumes, dessert pour terminer…
Saine routine que l’on vit, au long de nos envies !
C’est à toi, pour une fois, que je viens m’adresser.
Oui, je veux m’excuser de t’avoir agressé.
Remerciements à toi, toujours si empressé !
Plutôt que de servir, tu t’es intéressé,
Si bien que, dans l’émoi, je dis, heureux : “C’est moi !”
C’est la mort assurée dès qu’on sort de Maman.
On a quelques années pour faire ce que l’on doit,
Rêver, lire, écouter, apprendre abondamment,
Pour pouvoir apporter ce que nos pauvres doigts
Sauront bien accomplir dans cette vie à remplir.
Combinaison de nerfs, de tuyaux, de viscères,
On apprécie l’engin et c’est vraiment sincère !
Remarquable instrument au service de nos vies !
Pourtant, certains l’appellent juste pour leurs envies,
Snobant tous ses signaux, en saigneur des agneaux…
C’est sur ce joli mot que je bavarde encore,
Offrant mes mots qui chantent au milieu du décor.
Riches, mes arguments, et puissants, mes accords,
Patiemment, mes poumons soufflent dans mon grand cor,
Si fort qu’il sort des vers que quelques yeux picorent…
Courir, c’est pour l’hygiène, du cœur et des poumons.
On oublie un peu trop qu’ils nourrissent le cerveau
Ravi de l’oxygène, qu’il boit, comme un grand veau…
Pensez à vos neurones ! L’inaction, ce démon,
Sait les priver, bon sang ! et votre âme y consent…
Comme il serait malin que nos intelligences
Organisent leur planning pour réserver du temps,
Regardant sans rougir les efforts rebutants,
Pour rendre à l’animal du goût à l’existence…
Suffirait de bouger, pour moins l’endommager…
C’est difficile d’avoir une force d’androïde.
On pourra se moquer de cet air de mutant,
Raillant les exercices où j’ai passé du temps…
Pourtant, pour ma santé, sans aucun stéroïde,
Sachez que ces efforts m’ont fait l’esprit plus fort…
Club de gym et machines, haltères, ou bien agrès,
On a mille solutions pour combler l’inaction,
Rattrapant les efforts que nous vole le progrès.
Plus de bûches à couper, ni pénibles tractions…
Sous nos vies ramollies, l’effort est aboli.
C’est ce qui reste après que nous soyions finis.
On s’attriste et on pleure, on range les bikinis…
Respects seront rendus à la dépouille mortelle.
Parfois, l’on se réjouit, l’on fait repas, cocktail…
Si c’est bon débarras, montrons bel apparat !
Calciné, enterré, mangé par les vautours,
On sait qu’on va finir, et, ce jour-là, autour,
Regardez-les, gentils, pas un pour dire “Fous le camp !” !
Pour ma part, finir, c’est dans le feu d’un volcan,
Simplement avalé. La lave va bien m’aller…
On n’a pas de corps. On en est un.
Comme c’est fou de penser que ton corps t’appartient,
Oubliant ton cerveau, que, dans sa boîte, il tient !
Riant de tous ces sots qui croient qu’ils le possèdent,
Perdant tout ce qu’ils sont, quand, à la fin, il cède,
Saurons-nous accepter comment la vie procède ?
C'est à toi, c'est le tien : tu es propriétaire.
Oublie qu'il est vital et qu'il est "toi" sur terre !
Remplis-le à ras bord et jouis de tous ses sens,
Posé comme un gros sac depuis l'adolescence,
Si bien qu'il n'attend plus que ton obsolescence…
C’est un peu de nature qu’on bourre de confiture…
Oui ! Des êtres vivants vautrés sur le divan,
Regardant la télé, ceux qui vont y bêler,
Proprets ou excités, pour les publicités…
Sous nos cerveaux lavés, nos ventres sont gavés.