Tu sais que c'est mauvais et tu commences quand même,
Avalant la fumée qui te faisait tousser,
Benêt conditionné, que la pub a poussé
À prendre du poison, mais oui, la mort, on l'aime…
Gardons les portes ouvertes aux marchands de cancer !
Ils s'engraissent en vendant des bâtonnets qui tuent,
Sans être poursuivis, et ces vils adversaires
Méritent la prison, mais le mal est têtu
Et il est implanté dans nos esprits hantés…
Tu grignotes les poumons, comme promet le paquet,
Apportant le repos, rabaissant les caquets…
Bouffis de nos orgueils, voulant défier la mort,
Avec désinvolture, nous jouons les matamores,
Gros cigare dans la bouche, nous crachons la fumée,
Idiots que ses poisons, prompts à nous consumer,
Sauront bien diminuer, d'alvéoles en trachée…
Maudit argent qui tue, et qui nous fait cracher,
En attendant le jour où la vie va lâcher…
Tubes de pur poison, c'est marqué sur la boîte…
Achetez-le bien cher, grâce à une pub adroite !
Bouchez vos alvéoles de sa fumée sinistre !
Accrochez-vous bien fort à l'addiction abjecte !
Gardez-vous des pensées que la raison objecte !
Il fait bien des victimes, des manœuvres aux ministres,
Subitement égaux quand la mort les conduit.
Moquons-nous des esprits esclaves de ce produit,
Et bénissons les tueurs qui les ont tant séduits !
Tout le poison utile dans une seule cigarette.
A la fin, tu en meurs, après une dernière toux.
Bien des désagréments, cette solution arrête…
Alors, un seul rouleau, dans le paquet, c'est tout !
Gâchons moins de papier, de végétaux, de vie !
Interrompons les jours de ceux qui ont envie,
Simplifiant leur futur, et vidant Pôle Emploi…
Mourez, si, sous la vie, votre faible corps ploie !
En fumée, partez donc, en bûcher, sur la jonque !
Tu vas mourir, tu sais, c'est marqué sur la boîte,
Alors, si tu t'obstines, ne viens pas pleurnicher !
Bouffé par le cancer, ton décès affiché,
Au ras du plafond blanc, ton âme voit ton corps moite
Gisant sur un lit froid, des tuyaux dans le nez.
Il est fini, ton rêve de vie rondement menée.
Si tu laisses des parents, des enfants malheureux,
Maudits soient ta bêtise, les commerciaux véreux
Et puis tous les vautours, qui tournoyaient autour…
Trois millions de décès par an dus au produit.
Avec plusieurs milliards d'euros de bénéfices,
Beaucoup d'argent par mort est donc ainsi induit…
Alors, évidemment, les filles et les fils
Gémissant de douleur, ça n'a pas de valeur !
Il compte infiniment l'argent à notre époque,
Souvent au détriment des humains, c'est loufoque !
Mais c'est du bon commerce, à valeur ajoutée,
Et tant pis si demain, on vient à vous jeter !
Tu peux toujours tousser, tu vas mourir quand même…
Avec l'assentiment du bon gouvernement,
Beaucoup d'argent se gagne et c'est ce que l'on aime.
Allons, on peut tout dire : eh bien, personne ne ment :
Gentiment, sur les boîtes, c'est marqué "Fumer tue".
Il n'est rien de plus clair, sauf si l'on est obtu.
Silence, donc, dans les rangs des légions cancéreuses !
Mords-toi les doigts jaunis de tes mœurs onéreuses,
Et ferme ton clapet pour reposer en paix !
Tant mieux si un fumeur sur deux meurt de son vice !
Alors que Pôle Emploi croule sous les demandeurs,
Bien bête serait l'Etat venant serrer la vis
Aux braves industriels et aux gentils vendeurs,
Gérant leurs beaux poisons, comme le dit l'étiquette.
Ils sont bien avertis, donc il n'y a pas d'enquête.
Sans problème, on peut tuer, empoisonner plutôt,
Malgré le code pénal, les pêchés capitaux,
Eternels garde-fous, dont tout le monde se fout…
Trouver des mots pour dire l'indignation qui monte,
Avaler la fumée des benêts qui consument
Bêtement leur santé sans éprouver de honte,
Accrocher les wagons des phrases qu'on assume,
Guider ses doigts féroces vers un carnage saignant,
Ignorer l'argument des habituels plaignants,
Savoir trouver l'approche pour réveiller l'attrait,
Mettre au service du Bien son talent du portrait,
Emettre en continu des vers bien biscornus…
Tandis qu'ils continuent à tirer sur les tiges,
Avec obstination, je m'insurge à plein temps.
Borné, l'interdiction que, pour toujours, j'attends,
Arrivera un jour, l'intelligence oblige…
Gonflé du fol espoir de voir le mal vaincu,
Il m'arrive quelquefois d'en être convaincu,
Souriant à l'idée que personne ne prospère,
Monté sur les dépouilles des clients qu'exaspèrent
Et ma foi en l'humain, et mon drôle de chemin…
Toutes les guerres du monde ont fait moins de victimes.
Alors, on peut saluer le Seigneur Nicotine !
Bas est notre chapeau, monarque illégitime,
Assassin merveilleux, si fort qu'une guillotine
Garde un air enfantin, à côté des exploits
Immenses qu'on lui connaît, sur tous les continents.
Salut, fier meurtrier, que nos échines se ploient,
Marquant notre respect pour ton rôle dominant
Et ton impunité, si pleine d'obscénité…
Tu ne dois pas compter sur mon silence gêné.
A jamais j'émettrai des flèches bien empennées,
Balançant des boulets sur les débits puants,
Avançant dans les ans, mais toujours conspuant
Grassouillets commerçants et autres fabricants
Imprégnés de l'odeur de l'argent mal gagné,
Saturés de l'ivresse des bons communicants !
Mais c'est marqué dessus, on peut en témoigner
Et dès lors, vous n'avez plus vos mains à laver…
Transformer le cancer et la mort en argent,
Affecter la santé et même la vie des gens,
Business ordinaire, on n'a rien à cacher…
Avec désinvolture, sans gamelle attachée,
Garons notre voiture, dans un parking luxueux !
Il n'est rien d'interdit, ni rien de délictueux :
Simplement on supprime des millions d'êtres humains
Mais ils sont volontaires, et s'ils trépassent demain,
Eh bien, leur épitaphe vaut bien une dernière taffe…
Tu investis, patient, dans les bâtons qui puent,
Avec, au fond du cœur, l’espoir d’un bon cancer.
Bien sûr, le beau jour vient où ses belles griffes t’enserrent,
Avec leur long cortège de métastases repues.
Garde-toi de pleurer sur ton inconséquence !
Il faut te rappeler que tu es né sapiens :
Si le crabe avait pu t’effrayer de ses pinces,
Mais qu’il était aisé d’agir en conséquence
Et de respirer l’air, ce bienfait tutélaire !
Et pour vous rassasier, un poème bêtisier !
Tumeur après tumeur, tu ronges l'humanité,
Ouvrant la porte aux drogues, autres malédictions…
Un beau jour, on s'éveille en proie à l'addiction,
Revenir en arrière, jugez l'inanité !
Il n'y a pas "Contrôle-Z", sur les machines humaines.
Sachons en profiter car l'argent qui nous mène
Mange les homoncules, à longueur de journée,
Et la fumée dissipe leurs espoirs ajournés.