La naissance est toujours un moment difficile
Et l’on ne sait jamais si le milieu d’accueil
Sera épanouissant ou peuplé d’imbéciles
Et s’il y aura de l’or à la cuiller qu’on cueille…
Nous vivons la loterie la plus injustifiée
Sans trop nous émouvoir pour les plus mortifiés.
Deux parents ou un seul, ou un peuple à genoux,
En un seul coup de dés, nos destins sont scellés,
La roue commence à faire son tour de vie zélé :
Alors, au bout du compte, qu’adviendra-t-il de nous ?
Vers quelle mine répugnante, traînerons-nous nos mains,
Inondant de nos sueurs nos yeux à peine humains ?
En héros magnifiques, nous marquerons demain !
La vie est lourde et lente, et nos esprits fragiles
Eprouvent le besoin d’être bien rassurés.
Sans relâche, les rouages de nos neurones agiles
Exerceront leur art pour bien nous assurer
Non pas un rôle utile, mais de quoi être en paix…
Si la peur de la mort trop près de nous rampait,
Dans l’accumulation nous verrions le salut !
En vrai, nous amassons de l’or en beaux talus
Limitant les douleurs de nos vies éprouvées.
Avec l’avidité, nous avons bien trouvé
Vraiment un beau remède à nos sombres pensées.
Il est chaud, rassurant, cet or, pour compenser
En permanence l’écho de nos cœurs angoissés.
L’essence de notre vie, c’est la satisfaction,
Et s’il faut être fier de soi, de sa faction,
S’il faut se croire meilleur que toute l’humanité,
Eh bien, c’est la nature de notre âme agitée !
Nous sommes conçus ainsi pour chercher le plaisir
Sur lequel orienter les instants à saisir.
Douter ne sert à rien qu’à perdre notre temps
Et les plus efficaces sont ceux qui sont contents,
L’orgueil épanoui, l’égo bien étalé…
Alors, tant pis pour ceux, qui devront détaler,
Vers d’autres cieux courir ou nager, et mourir…
Il est fou le manant qui rêve d’égalité
En voulant nous priver des gens de qualité !
L’égophilie, c’est bien le plaisir d’être moi,
Et c’est le principal moteur de nos émois.
Sur nos neurones habiles, il commande comme un roi,
Entraînant les idées, pour qu’elles grimpent aux parois,
Nourrissant la mémoire, pour qu’elle soit efficace,
Saupoudrant le réel d’actions bien orientées
Dans la bonne direction, où notre orgueil rapace
Eprouvera le miel qui va le sustenter.
La liberté, vain mot, sert à nous bien flatter,
A réjouir notre égo joliment dilaté,
Vomissant des discours qui vont tout expliquer,
Inventant des mensonges pour ne pas s’impliquer,
Et nous n’avons nul choix, tant que la vie nous choie.
La marche vers la mort est longue et édifiante.
En ouvrant nos oreilles, les histoires lénifiantes
Sauront tracer la voie qui mène à la survie
Et nous mettre les bras à jamais asservis
Non pas pour bien agir mais pour leur destinée,
Suivre la voie tracée des actions usinées.
Dans la vie, on ne fait que ce qu’on pourra faire
Et notre potentiel est une mince affaire.
Les choix sont trop nombreux pour tous les affronter :
Avec la liberté, nous sommes plus avancés !
Volés de la vision des dés qu’on a lancés,
Il nous plaît de penser qu’ils ont six mille côtés,
Et nos rêves de grandeur reflètent notre candeur.
Le passé nous poursuit et l’avenir menace.
Encombrant, le présent nous noie par contumace.
Soufflés vers le néant, nous roulons en désordre,
Exaspérants menteurs prompts à donner des ordres,
Nourrissant nos délires de grandeur éternelle,
Semant sur notre route des crottes sempiternelles,
Dans lesquels marcheront nos lointains descendants…
En vain, roulant à vide, de nos moteurs avides,
L’espace peut défiler, sous nos pieds protégés.
A la fin, il faudra, au cercueil se coucher,
Vidés de nos pensées, enfin l’esprit léger…
Il en faudra du temps à nos neurones bouchés,
Et un jour, ils verront de tous leurs yeux vairons.
L’on apprend tout d’abord à bien tout imiter,
Et il y en a tellement qu’un jour précipité,
Sur le visage radieux de ses parents ravis,
Envahis de fierté, on voit que dans la vie
Nous nous détachons vite du stéréotypé,
Sans pour autant crier à la vraie liberté.
Dommage qu’on n’oublie pas l’héritage constipé,
Elle est sur trop de points beaucoup trop limitée.
La belle affaire ! On ment, et le tour est bien joué !
Avec aplomb, on dit avec un ton enjoué :
Vraiment, je vous assure, vous êtes un être libre !
Il est vrai que l’on est toujours en équilibre,
Entre le fou, le mal et l’instinct animal…
Lavés, petits cerveaux, qui cherchent à grandir…
Epargnés du souci de comprendre la vie…
Sauvés de la douleur des massues à brandir…
Elle est jolie la côte que les vieux ont gravi,
Non, mais c’est ce qu’ils disent et comment ne pas croire
Si tout autour de vous, on prie sur les trottoirs ?
Dormez, petits neurones gavés de vérités,
Et la vie sera douce, vous l’aurez mérité…
Les mensonges n’en sont plus après quelques années.
Avec le voile du temps, l’oubli vient tout tanner,
Versant son sable fin sur la curiosité,
Irradiant de lumière l’aimable obscurité,
Etouffant tous les cris sans animosité.
La question prend son sens dans la réponse en actes.
En vain, l’on peut tourner ses neurones à l’entr’acte.
Sur la fin, il faudra choisir notre destin,
Et tant pis si c’est nous que l’on mange au festin !
Nous aurons eu du temps à jeter aux orties,
Saoulés de notre orgueil, attendant la sortie…
Dans les bras de la mort, nous irons nous jeter,
Etourdis de douleur dans nos corps déjetés.
Lavés de tout bon sens, nos neurones programmés
Auront perdu la flamme qui pouvaient tout cramer.
Veaux d’or fossilisés, nous devrons desserrer
In fine les étaux, par nous, bien enterrés
Et relâcher les rêves qui nous hantaient sans trêve.
Les mots n’ont que le sens que l’on veut leur prêter
Et la volonté même ne nous obéit pas.
Sur nos chairs les années ne vont pas arrêter
Et nos peaux vont friper si l’esprit ne plie pas.
Nous finirons par voir la mort comme un espoir,
Sevrés de la routine, qui nous englue les os,
Dans le cercueil glacé, noyant nos désespoirs,
Enfin nous glisserons le malheureux réseau,
Les neurones agités, leur boîte et l’animal…
Affalés sur la soie des coussins funéraires,
Vous aussi vous verrez qu’il n’y a ni bien ni mal.
Il n’y a que les rêves des esprits téméraires,
Et le vide abyssal des cœurs en habits sales…
Les vers sont habitués et sous mes doigts habiles,
En bons petits soldats, ils vont cracher leur bile.
Sur l’écran plat brillant, ils s’en vont défiler.
Emergeant du clavier, leurs dards bien effilés
N’iront pas n’importe où se planter à la fin.
Sur le web immobile, ils connaîtront la faim…
Dans le désert des pages à jamais oubliés,
En tas de mégabits, ils vont se replier,
Lassés de frétiller, d’éructer, de rimer.
A leur mort, ils verront leur destin déprimé
Verser dans l’obscur fosse leurs restes insultés.
Il pleuvra toujours plus de mes mots occultés
Et le poids de leurs cris allège mes esprits…