Faut-il faire un dessin pour expliquer ce rêve ?
Avec l'ennui qui vient avant que l'on n'en crève,
Nul besoin d'implorer que l'on nous donne la fève…
Tout vient déjà trop tard et la vie est trop brève,
Alors, il faut partir, relâcher son étreinte,
Savoir abandonner ses amours les plus feintes,
Mouiller la mèche obscure de la bougie éteinte,
Avaler jusqu'au fond son dernier verre d'absinthe…
Grouillements éternels à la bouche du métro,
Ornements imbéciles que l'on suspend, c'est trop !
Rions de nos dents noires de ceux qui veulent être haut,
Illusionnés des vents que l'on fait autour d'eux,
Eperdus, inconscients, et en-dessous, merdeux…
Foutu festin grossier, qui nous appelle en vain,
Arrogant paradis, qui nous promet ses vins,
Niais espoirs de destins, aux allures de levain,
Toutous qui lèvent la pâte, dans les fours des devins,
Avec quoi nettoyer les écuries d'Augias ?
Salissures encrassées de décennies de chiasse,
Mouchetées d'argent sale, en pièces ou en liasses,
A quoi bon s'acharner, remonter au trias,
Gratter jusqu'à ses os, puisqu'il faut qu'on y passe ?
Oubliez les discours sur ce qu'il faut qu'on fasse !
Rendormez vos neurones jusqu'à ce qu'ils trépassent !
Il n'en faudra pas plus, ni moins, pour qu'on efface
Et vos minables traces, et l'ombre de vos faces.
Folie qui nous entoure et que nous cultivons,
Allongée de chimères, quand nos neurones y vont,
Nous nageons dans un monde qui n'existe qu'en nous,
Truffé de nos mensonges et notre esprit en noue…
Adoration féroce des joujoux qui rutilent,
Soubresauts hypocrites pour nos amis utiles,
Magie bien ordonnée pour l'ascenseur futile,
Attention à la marche qui ferait tout échouer !
Gare au faux pas fatal à nos destins déjoués !
On ne peut pas prévoir tous les actes manqués.
Rien ne viendra sauver nos ventres efflanqués.
Il faudra accepter le coffret en sapin
Et les coussins dedans, en forme de lapin.
Faux semblants luxueux, qui décorez nos vies,
Aimables ornements, qui réjouissent nos envies,
Nausées artificielles, qui nous envoient ravis,
Tout est préfabriqué comme autant de postiches,
Améliorant nos vies, qui coulent comme des pastiches.
Soufflez dans votre flûte, angelots en plastique,
Mettez-y tout le cœur de vos corps élastiques !
Avec avidité, nous prêterons l'oreille,
Gobant avec délice toutes vos simagrées,
Oui, c'est de très bon cœur, que notre âme les agrée,
Rayonnant du bonheur du disque que l'on raye.
Ignorez-vous vraiment qu'au fond de vos cerveaux,
En fait, il n'y a rien de plus que chez un veau…
Sinon l'écho vantard du prestigieux caveau ?
Fichues imitations de nobles sentiments,
Affabulez, seigneurs, et mon ressentiment
Ne saurait vous priver du juste châtiment
Tant mérité par vous, à coups de reniements.
Alors, pourquoi vouloir à tout prix le pouvoir ?
Suffirait-il d'aimer pour mieux nous émouvoir ?
Mais qui donc est l'objet de vos visées morbides ?
Affamés de grandeur, de folie très sordide,
Gavés de luxe moite, de dorures, d'attentions,
Outres pleines de vin vieux, la lie en suspension,
Rotez la bouche ouverte, par votre main couverte !
Il en faudra du temps pour réparer vos frasques,
Et vos méfaits inspirent le mépris sous les masques.
Feux follets inconscients qui brillez au grand soir,
Aimables histrions, qui riez aux bonsoirs,
Notables ou bien penseurs, qui vendez vos avis,
Tout est bien fait pour vous, pour vos humeurs ravies…
Avalez vos aigreurs de parasites serviles,
Soufflez par tous les trous vos pensées les plus viles,
Mastiquez en public vos digressions subtiles,
Affolant l'Audimat de vos fureurs futiles !
Gavez-nous des bons mots qui vous sont ordinaires,
Oubliant vos esprits à leurs vapeurs binaires,
Rengorgez-vous du bien que l'on dit sur vous-même,
Illuminés de joie, pour tous ceux qui vous aiment,
Enflés du rouge bonheur d'avoir tous les honneurs !
Fatigué du labeur qui n'aura pas de fin,
Accablé de l'ennui de savoir qu'on a faim,
Nourri de mille fatras qui tirent à hue à dia,
Tout me pousse à chérir mon précieux charabia,
À jouer avec les maux, en attendant l'hiver,
Son manteau bien neigeux sur mon crâne encore vert,
Mais je n'y crois plus trop, et si j'émets des vers,
Avec une moue douteuse, j'aborde le dévers.
Gardons-nous du sérieux qui nous rend prisonnier,
Osons moquer la peur, avec nos tisonniers,
Rions des noirs dangers, avec désinvolture !
Il en faut de l'humour, pour souffrir l'imposture,
Et des neurones en fer, pour supporter l'enfer…
Faut-il toujours œuvrer alors que rien ne presse ?
Avec application, je souffle et je m'empresse,
Noircissant des octets, comme s'ils étaient utiles…
Tant pis si, dans mes vers, le français je mutile !
Après tout, qui lira, ce verbiage infantile ?
Si j'y crois, c'est un jeu à visée mercantile…
Mais si je n'y crois pas, à quoi bon m'obstiner ?
Allons, la vérité, c'est que ma destinée
Guide mes pas serrés sur un chemin tracé
Où il n'y a pas de choix, même si j'en suis lassé.
Rien n'est libre chez moi, et mes doigts sont habiles
Instruments bien dociles, pour mes neurones labiles,
Effleurant le clavier, en discours bien déviés…
Féérie qui clignote pour des yeux éblouis,
Accordéon sordide, pour des musiques inouïes,
Noms communs un peu sales, pour des maux trop polis,
Tout est fait pour lasser vos esprits abolis.
Affectez de comprendre qu'il faudra oublier
Ses chéris qui décorent nos mémoires encombrées !
Mettez du cœur à voir les genoux se plier,
A contempler l'abîme où le monde va sombrer,
Gâté des mille méfaits qu'on lui a infligés !
Omettez de sourire aux visages affligés,
Redoutez de pleurer sur vos pieds ravagés,
Inondant d'eau salé vos souliers saccagés,
Et fuyez les soupirs des âmes endommagées !
Sinistre est le destin des humains outragés…
Fichu félon qui fuit nos fous furieux féroces,
Ardent brasier brûlant qui s'agite en Eros,
Nous vivons nos romans comme autant d'aventures.
Tout peut nous arriver sans briser nos dentures…
A travers nos fictions, nos films et nos chimères,
Sous l'épais narcotique des écrans polymères,
Moutonne l'antique effet de l'Odyssée d'Homère.
Après tout, ils sont proches de nous les Grecs antiques,
Gadgets en bandoulière, nous sommes plus riches en tics,
Oh ! Mais c'est avec grâce, que nous vivons en geeks,
Rien de vulgaire en nous, et puis la pomme, c'est chic…
Il est mou le reflet de nos bajoues baveuses,
Et l'univers est flou sur nos rétines rêveuses…
Fierté décomposée qui s'affiche à la une,
Abjectes possessions qui privent de pain des foules,
Narguez-nous de très haut, de plus haut que la lune,
Toisez-nous avec morgue, du mépris qui défoule !
Alors que les mots manquent pour décrire tous vos vices,
Sous des lustres clinquants, jouissant de mille services,
Maquillant vos méfaits sous les déclarations,
Arborant en sautoir vos belles décorations,
Groins dorés à la feuille, qui polluez notre terre,
On ne peut que haïr tous vos luxueux parterres,
Rire de vous, c'est gratuit, et combien salutaire !
Il faut être bien fou pour rêver votre chute,
Et ils sont résistants, vos dorés parachutes…